Les études scientifiques reconnaissent l’importance de la formation dans le succès des projets d’implantation de dossiers médicaux électroniques (DMÉ). De plus, les personnes bien formées ont des attentes plus réalistes quant à ce que ces outils permettent de réaliser.
Des chercheurs ont rapporté que les efforts de formation des organisations rapportent davantage lorsque ceux-ci sont menés au bon moment et lorsqu’ils répondent aux besoins des utilisateurs. Il est aussi important que du soutien technique soit offert à ces derniers.
Cela dit, le succès des efforts de formation des organisations qui se dotent d’un DMÉ dépend aussi de la prise en compte de facteurs culturels et sociologiques, notent Ann Scheck McAlearney et ses collègues dans un article récent de la revue Medical Care Research and Review. Quels sont ces facteurs?
Pour répondre à cette question, les chercheurs ont recueilli des données qualitatives auprès de six organisations américaines réputées pour la qualité de leurs pratiques d’utilisation d’un DMÉ. Plus précisément, en 2009 et 2010, ils ont interviewé 43 personnes représentants ces organisations — des médecins, des gestionnaires, des formateurs, etc. — et organisé six groupes de discussion regroupant des médecins généralistes et spécialistes.
Leur étude montre d’abord que dans les six organisations examinées, le recours à des approches de formation axées sur l’observation et l’apprentissage par l’action est perçu comme donnant de meilleurs résultats qu’une approche plus conventionnelle. Deux approches de ce type ont notamment bien fonctionné à plusieurs endroits :
- l’approche par scénario consistait à demander aux médecins d’interagir avec les dossiers électroniques de patients fictifs comme s’il s’agissait de vrais dossiers;
- selon l’approche du préchargement (preloading), les médecins devaient transformer l’information papier relative à un patient en dossier électronique.
L’offre de soutien technique aux utilisateurs, pendant et après l’étape de mise en marche des DMÉ, constitue aussi, selon les chercheurs, un facteur de succès clé.
Dans quatre établissements sur six, l’offre de programmes de formation misant sur l’existence de personnes modèles, sur l’exploitation des capacités particulières de meneurs, de champions s’est aussi avérée cruciale. Par exemple, certaines organisations ont d’abord formé quelques superutilisateurs pour que ceux-ci puissent ensuite transmettre leurs connaissances à leurs collègues.
Dans trois établissements sur six, il s’est avéré important de miser sur l’expérience des professionnels et des employés pour lesquels les TI étaient déjà chose familière, ou de chercher à exploiter les leçons tirées de projets d’implantation passés.
Enfin, dans quatre établissements, la prise en compte des attentes et des besoins particuliers des membres des diverses communautés composant chaque organisation a favorisé l’efficacité des méthodes de formation utilisées. Les connaissances circulent mieux quand la formation est offerte aux médecins dans la langue des médecins, aux infirmières avec le vocabulaire que celles-ci utilisent, etc.
Ces résultats ont amené les chercheurs à proposer sept pratiques de formation que les cliniques et les autres organisations de l’univers de la santé gagneraient à appliquer :
- La direction de chaque établissement doit considérer (et lancer le message à tout le monde) que la formation, c’est important : il faut qu’il soit bien compris, par exemple, qu’il est correct pour un employé ou un médecin de consacrer deux heures de moins, une journée quelconque, à ses tâches normales parce qu’il doit se familiariser avec le DMÉ;
- Il faut évaluer les aptitudes en TI de tout le monde : tous ne sont pas au même niveau en matière de technologies de l’information; il faut connaître l’état de la situation et prendre des mesures pour corriger les lacunes existantes (si quelqu’un ne sait pas utiliser une souris, il faut commencer par là);
- Il faut recourir aux bons formateurs : les spécialistes des DMÉ ne font pas toujours les meilleurs enseignants; beaucoup de médecins préfèrent par exemple apprendre d’autres médecins;
- Le contenu des formations doit répondre aux attentes de chaque groupe d’utilisateurs visé;
- Il vaut la peine de recourir à des approches de formation diversifiées, pour tenir compte du fait que tous les utilisateurs n’ont pas les mêmes besoins, du fait que ces besoins évoluent dans le temps et du fait que l’apprentissage par l’action fonctionne souvent mieux que la formation théorique;
- Il faut que les efforts de formation commencent avant l’implantation du DMÉ et se poursuivent après celle-ci;
- Il faut former les gens, puis les former davantage : il vaut la peine de commencer par l’enseignement des bases, puis de poursuivre avec des efforts de formation visant à consolider les apprentissages déjà réalisés.
Pour obtenir plus de détails sur cette recherche, consultez :
Mcalearney, Ann Scheck et autre, « The Role of Cognitive and Learning Theories in Supporting Successful EHR System Implementation Training: A Qualitative Study», Medical Care Research and Review, volume 69, numéro 3, 2012, p. 294-315.
La diffusion de ces résultats de recherche est rendue possible par une subvention octroyée par les Instituts de recherche en santé du Canada (FQRSC) à l’équipe responsable du projet de transfert de connaissances Using Research Results to Improve the Implementation of the Electronic Health Record in Primary Care. Marie-Pierre Gagnon, professeure agrégée à la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval, représente cette équipe.